La France en retard quant à la gestion de ses eaux usées…
En Europe, la réglementation sur la réutilisation des eaux usées a évolué le 5 juin 2020, avec un nouveau règlement pensé pour promouvoir la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) en harmonisant les normes à l’échelle européenne.
En France, des changements ont été apportés aux règles d’utilisation des eaux usées, par un décret datant du 10 mars 2022. Celui-ci a notamment redéfini les modalités de contrôle en termes de santé publique et de protection de l’environnement.
Malgré cela, la France reste l’un des pays avec la réglementation la plus stricte, ce qui ne lui permet pas de réutiliser autant d’eau que les pays voisins comme l’Espagne ou l’Italie. Aujourd’hui, en France, c’est seulement 1 % de l’eau usée traitée qui est réutilisée, contre 15 % pour l’Espagne et 90 % en Israël.
Le retard accumulé est considérable. Dans le contexte actuel de réchauffement climatique et de stress hydrique, le Gouvernement prévoit des ajustements pour répondre aux enjeux de la REUT.
Quels sont les enjeux de la réutilisation des eaux usées traitées ?
Des enjeux économiques et environnementaux
Réutiliser les eaux usées, c’est faire un geste pour préserver une ressource vitale en danger, et s’adapter aux conditions de réchauffement climatique. Les enjeux de cette pratique sont avant tout économiques et environnementaux.
Sur le plan économique, la réutilisation de l’eau usée dans l’industrie pourra, à terme, réduire considérablement les coûts de production, puisque l’eau peut être utilisée 2 à 3 fois avant d’être rejetée en milieu naturel. De plus, le recyclage de l’eau représente un investissement bien moins important que le dessalement de l’eau de mer (environ 2 fois moins cher).
Sur le plan environnemental, la REUT permet de remédier aux pénuries découlant du réchauffement climatique, tout en réduisant les déchets. Ainsi, c’est tout un environnement qui se trouve protégé. Grâce à une réutilisation des eaux usées optimale, d’importantes économies d’énergie liées aux activités de pompage peuvent être effectuées. Encourager une économie circulaire représente donc une véritable solution pour la préservation de l’eau et autres ressources énergétiques.
Rappelons que l’utilisation intensive de l’eau potable pour arroser les terrains de sport avait fait scandale l’été dernier, alors que certaines régions subissaient des contraintes sur leur utilisation en eau. Les golfs, particulièrement concernés par cette problématique, ne sont pas restés indifférents et ont effectué un lobbying important afin de pouvoir réutiliser l’eau usée pour arroser leurs greens.
Le fort potentiel de la réutilisation des eaux usées françaises
Chaque année, en France métropolitaine, 8,4 milliards de mètres cube d’eau usée traitée sont produits. Cela représente un réel potentiel pour le pays qui, aujourd’hui, réutilise seulement 1% de cette quantité d’eau.
Du côté des citoyens français, les perspectives sont encourageantes, puisque 83% des Français se déclarent prêts à boire de l’eau potable produite à partir d’eaux usées traitées, selon les résultats de l’enquête menée par le cabinet d’études Elabe pour La Tribune.
Les inquiétudes liées à la REUT sont donc moindres pour les Français, ce qui peut s’expliquer par une réglementation stricte des eaux usées. Elle détermine 4 niveaux de qualité sanitaire des eaux traitées, en fonction de leur usage : A (irrigation des cultures et pâturages, entretien des espaces verts publics…), B, C et D.
Que prévoit la nouvelle réglementation annoncée fin janvier par le Gouvernement ?
Compte tenu de ces constats, l’État prévoit une nouvelle réglementation annoncée fin janvier.
Le sujet n’est pas nouveau et est très régulièrement à l’ordre du jour aux Assises de l’eau, ou encore au Conseil national de l’Eau.
Cette nouvelle réglementation a été pensée pour permettre une réutilisation des eaux usées plus importantes et sous des contraintes moins strictes. Elle prévoit notamment son utilisation dans des domaines divers tels que l’agriculture, la lutte contre les incendies, l’irrigation des espaces verts, le nettoyage des rues ou encore l’usage industriel. La lutte contre les fuites des réseaux de distribution d’eau est aussi un sujet, et la solution passe en grande partie par un entretien qualitatif et régulier des infrastructures.
Alors que la réglementation est prête à être dévoilée, les autorités sanitaires ne sont pas très enthousiastes, conscientes des risques provenant de la REUT, notamment celui de la contamination par des microorganismes pathogènes. Le ministère de la Transition écologique pourrait quant à lui obtenir gain de cause